LES VIGNERON-NES

MAISON ROMANE

CÔTES DE NUITS

En marge de son prestigieux négoce, Oronce de Beler s’est lancé dans une agriculture sapide où cochons bien nourris côtoient veaux corses et poules pondeuses. Une question de survie pour cet hédoniste au palais bien léché et à la langue bien pendue.

Par Jill Cousin

Quelques minutes après avoir quitté sa cuverie de Nuits-Saint-Georges, Oronce de Beler, voix douce et phrasé impeccable, arrête son véhicule devant un gigantesque entrepôt, l’ancien supermarché de la ville. “Sous vos yeux, la future brasserie! Nova Villa pour les bières modernes et Maison Romane pour les bières vineuses”, s’exclame-t-il dans un éclat de fierté. Le quadra incubateur de projets n’en est pas à son coup d’essai, après un rapide passage au rayon pub de La Revue du Vin de France, il s’installe au début des années 2000 en Bourgogne, achète trois tonneaux, des raisins bien élevés, un cheval Percheron et lance son négoce avec déjà, cette envie de faire naturellement. Rapidement, il se fait un nom avec ses micro-cuvées de Gevrey-Chambertin, Vosne-Romanée ou Hautes-Côtes-de-Nuits. Il aurait pu en rester là mais cet hédoniste, petit-fils d’un paysan aristo, a la folie des grandeurs et du bon. “J’ai quitté Paris avec l’envie de produire tout ce que j’appréciais : le jambon espagnol, le whisky et les cigares.” Whisky et cigares lui passent, pas l’amour du cochon. Sa rencontre avec un éleveur corse sur le plateau du Coscione est décisive. En 2012, il ramène un premier escadron de porcs corses sur le continent. Toujours dans cette quête du goût, il s’interroge sur la question des races et croise ses protégés à des gascons noirs. 

Dans leur enclos, encerclé d’arbres, les trublions prêts à faire bombance, attendent leur pitance, des céréales produites par des agriculteurs du coin et des copains vignerons.  “Le secret de l’élevage porcin : que les cochons vivent longtemps et soient nourris, pas gavés. En-dessous de deux ans, le gras est crayeux, au-delà, c’est de la crème de jour !” Insatiable, en 2017, il revient d’un raid sur l’île de beauté avec six veaux corses qui paissent sur une parcelle de cinq hectares à la végétation buissonneuse rappelant le maquis. Dans son élitisme du produit et du savoir-faire, en marge du jambon affichant la parfaite combinaison de gras et de tendreté, il y a le rêve d’une haute côte de bœuf. “Le point de départ, c’est la survie” enquille l’homme qui s’apprête à mener un nouveau combat, contre la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) cette fois – l’organisme français en charge de statuer sur tous les projets de reprise agricole – qui, depuis des années, retoque ses projets d’acquisition de terres agricoles et complique le développement de sa ferme aux mille idées. L’homme détonne dans le paysage bourguignon, “Nuits est une belle endormie” soupire-t-il et Oronce de Beler chahute l’ordre établi. Pas d’élevage de poules pondeuses bio sur la commune ? Qu’à cela ne tienne, il se lance dans la Marans, la Gauloise et la Coucou de Rennes, des variétés anciennes dont le jaune des oeufs fleurent bon le miellat. La quintessence du goût, toujours… Boulimique de concepts, le vigneron-paysan, avec la complicité de sa femme Victorine, poursuit  un objectif simple et cohérent : en finir avec l’intensification et la standardisation du monde agricole pour renouer avec une polyculture bienfaisante où femmes, hommes, animaux et nature font bon ménage.

“ La prostitution pour avoir des vignes, ça n’était pas trop mon truc. J’ai préféré m’en tenir au négoce.”

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